Gabon : Sonny Sax réinvente le jean grande taille
Le mercredi 9 novembre 2005.

Par Habibou Bangré

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Pourquoi les femmes rondes ou fortes n’auraient pas le droit de porter de beaux jeans ? C’est la question que s’est posée Sonia, alias Sonny Sax, avant de remédier à ce qu’elle estime être une de discrimination. La styliste gabonaise crée en effet des jeans grandes tailles en partie brodés ou crochetés. Objectif : montrer qu’on peut avoir des formes généreuses et porter joliment la fameuse toile bleue. Interview.

Vous est-il déjà arrivé d’essayer un jean et de vous apercevoir, après avoir tenté l’expérience dans cinq magasins, que vous ne rentriez pas dedans ? Sonia, alias Sonny Sax, fait partie de ces femmes qui ont eu le sentiment désagréable de ne pas pouvoir trouver un jean à leur taille. Alors, forte de sa formation en couture, la styliste autodidacte gabonaise s’est dit qu’elle allait créer des pantalons dans le fameux tissu bleu. Pour elle, mais aussi pour les autres femmes qui rencontrent le même problème. Après deux ans de travail, la jeune femme de 29 ans, également musicienne, vend enfin ses jeans sur les marchés depuis un an. Sonia, dont le concept est de « faire quelque chose qui sort de l’ordinaire », raconte la naissance et l’évolution de sa marque Sonny Sax.

Afrik.com : Comment avez-vous eu l’idée de créer des jeans pour grandes tailles ?
Sonny Sax :
Je fais du 44. Lorsque j’essayais un jean, il me faisait comprendre que ça n’irait pas. Il s’arrêtait au niveau des cuisses ou des hanches et impossible de le monter plus haut. Ou alors je rentrais dedans mais il me coupait le ventre en deux. Ou il était trop classique, « style mémère ». Alors je me suis dit que je pouvais profiter de mon expérience en couture pour dessiner des jeans pour les grandes tailles.

Afrik.com : Pourquoi avoir choisi de travailler le jean ?
Sonny Sax :
Parce que c’est une matière pratique, qui se porte à toutes les saisons. Dans chaque famille, il y a au moins un jean. Si ce n’est pas chaque membre de la famille qui en possède un.

Afrik.com : Quelles tailles fabriquez-vous ?
Sonny Sax :
Au départ, je faisais des jeans allant du 34 au 50. Mais je me suis rendue compte qu’il n’y avait que les grandes tailles qui partaient et que les tailles 34, 36 et 38 me restaient sur les bras. J’ai donc adapté ma production à la demande et je produis des jeans du 40 au 50. Je fais aussi des tailles intermédiaires car j’ai remarqué que beaucoup de femmes sont entre deux tailles. Comme ça, tout le monde y trouve son compte. Mais si c’est un 40, c’est un vrai 40, pas un « demi-40 ». Je me base sur les formes africaines car une Africaine forte ne peut pas rentrer dans un jean taillé pour une Européenne forte à cause de sa cambrure. En revanche, une Européenne peut parfaitement rentrer dans un jean taillé pour une Africaine.

Afrik.com : Vos jeans sont-ils réservés aux femmes de la communauté africaine qui sont fortes ou ont des rondeurs ?
Sonny Sax :
Non. Je crée des jeans pour toutes les femmes qui ont une surcharge pondérale, comme on dit. Qu’elles soient blanches, blacks ou beurs.

Afrik.com : Quel est votre concept de création ?
Sonny Sax :
Le jean a toujours été classique. On ne lui donne pas beaucoup de valeur. Je produis mes jeans en série limitée parce que les femmes ne veulent pas ressembler à tout le monde. J’ai au moins six modèles à base de triple stone (98% de coton et 2% d’élasthanne), une matière moelleuse et non rêche comme certaines autres. Les jeans sont tous taille haute, que je brode ou auxquels j’ajoute des parties en crochet ou des poches en bas du pantalon. Plus tard, lorsque mes ventes me rapporteront assez, j’envisage de coudre des tissus africains (bogolan, bazin...) sur les jeans pour qu’il y ait des couleurs chaudes.

Afrik.com : Quel est votre objectif en créant ces jeans ?
Sonny Sax :
Je veux montrer que nous, les femmes fortes, nous sommes aussi belles que celles qui font un 34, un 36 ou un 38. Lorsqu’on va chez le boucher, on demande toujours un morceau bien charnu et avec peu d’os. Alors pourquoi ces gens qui veulent manger beaucoup de chair ne veulent pas de nous aux castings ? (Rires) Je joue avec le tissu et les formes pour que nous soyons bien habillées et en même temps sexy. J’ai envie qu’on nous envie.

Afrik.com : Vos jeans sont-ils commercialisés ?
Sonny Sax :
Pour cela, il faut un investissement et une structure bien montée. Comme je débute, je vends moi-même mes jeans sur les marchés. J’ai de nombreuses clientes mais il faut sans cesse renouveler la clientèle parce qu’on ne peut pas acheter des jeans toute l’année ! Il me reste donc beaucoup de surplus. Mais la volonté est là.

Afrik.com : Comment se passe la production des jeans ?
Sonny Sax :
Dès que j’ai le modèle en tête, je le dessine, je découpe le patronage et je l’envoie au Maroc, où le jean est produit. L’équipe me renvoie un prototype et ajuste le modèle en fonction de ce que je lui dis par téléphone. Si le modèle me va, on lance la fabrication. Nous avons une moyenne de 600 jeans produits par mois.

Afrik.com : Les gens sont-ils intéressés par vos jeans ?
Sonny Sax :
Les gens sont très intéressés par le concept. Ils remarquent mes jeans de loin et, lorsqu’ils s’approchent, ils lisent ma pancarte qui explique que ce sont des créations personnelles. Les femmes sont contentes de trouver des jeans qui ne sont pas taille basse car elles ne veulent pas avoir le nombril dehors.

Afrik.com : Comptez-vous faire des jeans pour les hommes ?
Sonny Sax :
C’est prévu car les hommes, en prenant de l’âge, ont du ventre et ne se sentent pas forcément à l’aise dans les jeans taille basse que l’ont vend. Certains, qui se baladent sur les marchés avec leur femme, me demandent quand je ferais des jeans pour eux ! Mais j’ai besoin de fonds pour lancer cette gamme...

Afrik.com : Quels sont vos prix ?
Sonny Sax :
De 30 à 50 euros. Cela dépend du travail qui a été fait sur les pantalons.

- Pour contacter Sonny Sax :
E-mail : sonysax@hotmail.com
Tél : 01 42 71 83 69
Adresse du point de vente : 4, rue Sainte Elisabeth à Paris (métro Temple ou République)

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